Martin
En ce jour de fête du poisson, je voulais rendre hommage à un des pensionnaires de notre deuxième appart lyonnois, Childebert, donc, pas le B15, pour les derniers losers qui suivent pas.
Childeb', c'est un appart' qu'on avait pris avec Nyf en plein centre de Laïonne, dans la rue du même nom, genre un endroit hallucinatoirement moelleux et ouf' de SMLP. Un appart' pour trois, mais qu'on était que deux dedans. Ce qui nous a permis d'expérimenter plusieurs sortes de 3e larron, de Sebbie, steak hâché man, l'homme qui concentre toute la beaufitude de la terre dans son mètre sûrement 72 (Sebbie, si tu nous lis... t'es un blaireau et tu nous dois toujours 60€ pour la facture d'électricité de mars-avril 2004), à Fout', l'homme qui fantasmait sur les présentatrices d'I-Télé, et qui installait des sites de cul en homepage de l'ordi de Nyfah (Foot', si tu nous lis... tu deviens quoi, on pourrait se boire une memousse un de ces quatre!). Il y a eu aussi Claudia, dont je ne vais pas rappeler les talents culinaires, de peur de faire frémir Nyfah de jalousie, n'est-ce pas.
Enfin, il y a eu Martin. Martin, c'est un peu la seule concession faite par les meufs du B15 à l'idée de posséder un animal de compagnie. Parce que quitte à sacrifier à cette coutume mémérisante et beurgeoise au possible, autant avoir un animal le plus crétin et le plus moche possible. Pourtant, Martin est avant tout une star. C'est aussi pour ça qu'on l'accueillait dans notre paradis bohémo-débile de normaliens décérébrés, d'ailleurs. Quelque part, il avait des trucs sympa à son actif, une pièce de théâtre et un court métrage. Et comme tout artiste, il était neurasthénique. Oui, Martin avait le style de l'artiste maudit et nouvelle vague à la fois, moche et dépressif, boulimique et scatophile, le genre de gars qui aurait pu dire, à l'instar de Maurice "Vous ne m'aimez pas, eh bien moi non plus!". Martin, c'était ça. Sauf que finalement, de par sa prime condition de poisson rouge, Martin ne risquait pas de dire une chose pareille, vu qu'il savait pas parler.
Martin, c'était un peu notre rayon de soleil pendant la rédaction de la maîtrise. J'avais même quitté ma tanière originelle (ma chambre, mon lit), pour élire domicile au salon, sur le canapé, bien en face de la cheminée. Le bocal de Martin se trouvait sur le manteau d'icelle. Martin était un merveilleux poisson de compagnie, parce qu'à chaque fois que je relevais la tête pour réfléchir, je le voyais frétiller dans son bocal, c'était touchant. Puis Martin, il fallait le divertir. Ami lecteur, tu me crois si je te dis qu'il frétillait en rythme sur Get Busy? Non? Tu devrais... Martin, il fallait lui parler. Je passe sur les instants où quand même, je restais dans ma chambre, et que j'entendais Nyfah dans le salon "Maaartin, Martin ça va? Ouh Martin!!". Du coup, après, il était plus du tout neurasthénique. Martin, il fallait le nourrir. Avec les paillettes, on en avait même deux sortes, les multicolores et les gold... Ca puait un peu, mais ça le dérangeait pas, il avait l'air au contraire de surkiffer ces paillettes. Enfin, pas autant que son caca qu'il se délectait pas mal à ingérer aussi. Martin, il fallait le protéger. Contre les fâcheux du type Jojo qui, dans une cruauté inouïe, s'amusait à molarder ou à mettre ses cendres dans le bocal, pour voir s'il allait manger. Martin, l'était pas difficile, évidemment qu'il mangeait.
Enfin, il a fallu faire les funérailles de Martin. C'était un soir. On regardait un Tramway nommé Désir avec Nyfah, après avoir vérifié si la Smirnoff ressemblait pas un peu à de l'alcool de parmesan. D'ailleurs, ami lecteur, ça a complètement un goût de parmesan. Claudia est arrivée dans le salon, elle était allée boire une bebière, elle a vu qu'il bougeait plus. Avec Nyf, on a répondu de concert "non non, il dort". Bon, c'était peu crédible. Le lendemain, j'ai constaté le décès. Martin flottait à la surface du bocal. Fanny l'a inhumé... dans les toilettes. N'empêche, Martin, il manquait tout plein après. Quand j'allais dans le salon, je relevais la tête vers la cheminée, et y avait plus qu'un bocal vide. Y a pas, c'était tristoune.
Mais une chose est sûre. Martin, c'était un peu l'animal de compagnie le plus rigolo, le plus frétillant, le plus absurde de la terre. Et le plus moche aussi.